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Un jeune chaman (2023)
de Lkhagvadulam Purev-Ochir
publié le mercredi 24 avril 2024

par Hugo Dervisoglou
Jeune Cinéma en ligne directe

Sélection Orizzonti de la Mostra de Venise 2023
Prix d’interprétation masculine pour Tergel Bold-Erdene

Sortie le mercredi 24 avril 2024

 


En Mongolie, Zé, 17 ans, est lycéen et chaman. Quand il tombe amoureux de Marla, étudiante qui ne croit pas au chamanisme, sa vie change. Structurant son film autour du parcours de Zé, Lkhagvadulam Purev-Ochir choisit une esthétique naturaliste pour narrer son histoire et cadre au plus près de ses acteurs, ce qui lui permet de délicatement étudier les sentiments affleurant leurs visages.


 


 


 

La puissance du film réside ainsi sur ses interprètes qui parviennent à rendre évidents troubles et questionnements intérieurs au moyen d’un jeu rentré. Ce point de vue évite l’écueil de l’exotisme et justifie une échelle humaine, tout en montrant la vérité nue des pratiques chamaniques. Une nudité amenée notoirement par la bonne idée de ne pas expliquer les raisons ayant poussé Zé à devenir chaman ni à exposer le sens des rituels auxquels il se livre en cours de film.


 


 


 

Ce faisant, au travers du parcours de son héros, l’auteure offre à voir une tranche de la société mongole dont la complexité se résume au fait d’être prise dans un entre-deux : des pratiques culturelles ancestrales, symbolisées par le chamanisme, et que l’on comprend ici transmises par la cellule familiale, avec une culture moderne individualiste basée sur la réussite et incarnée là par une professeure autoritaire.


 


 


 

Soit une opposition qui tend à écarteler spirituellement les individus entre un désir de simplicité consumériste et le devoir d’endosser un héritage pesant. Cette disharmonie génère un mal-être profond qui est notamment mis en avant par le montage, comme lorsque ce dernier enchaîne des scènes antinomiques. Une première scène qui expose une activité cultuelle traditionnelle peut ainsi précéder une seconde où des étudiants jouent à des jeux vidéo. Ou encore, lorsqu’il est utile à souligner la difficile conciliation des deux mondes en évitant de montrer les déplacements des personnages d’un lieu à l’autre. Les uns et les autres semblant dès lors se téléporter brutalement entre des univers disjoints sans qu’aucune connexion ne semble possible, le lien unique étant peut-être la lumière blanchâtre qui baigne les décors et donne une ambiance fantomatique aux scènes.


 


 


 

Musique rare et effets sonores achèvent de matérialiser l’impossible conciliation entre ces deux espaces. Enfin, la tension entre désir contrarié et devoir de tradition se répercute subtilement dans la façon dont est cadrée la capitale mongole et confère donc au film une agréable dimension allégorique. Oulan-Bator voit ainsi son centre urbain moderne situé dans le lointain, filmé à la longue focale, et observé par des héros originaires de la périphérie paupérisée de la mégapole où maisons et tentes traditionnelles se côtoient.


 


 


 

Premier film au parti pris esthétique radical, Un jeune chaman, par son étude quasi anthropologique du rapport entre tradition et modernité et de l’impact que cela génère sur la jeunesse, évoque les films de Naomi Kawase, n’ennuie jamais, et donne envie de suivre la future carrière de son auteure.

Hugo Dervisoglou
Jeune Cinéma en ligne directe


Un jeune chaman (Ser ser salhi). Réal, sc : Lkhagvadulam Purev-Ochir ; ph : Vasco Viana ; mont : Matthieu Taponier ; déc : Bolor-Erdene Naidannyam ; mu : Vasco Mendonça. Int : Tergel Bold-Erdene, Nomin-Erdene Ariunbyamba, Bulgan Chuluunbat, Ganzorig Tsetsgee, Tsend-Ayush Nyamsuren (France-Mongolie-Portugal-Pays-Bas-Allemagne-Qatar, 2023, 103 mn).



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