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Occupied City (2022)
de Steve McQueen
publié le mercredi 24 avril 2024

par Sylvie L. Strobel
Jeune Cinéma n°423, été 2023

Sélection officielle Séance spéciale du Festival de Cannes 2023

Sortie le mercredi 24 avril 2024


 


On a découvert l’Anglais Steve McQueen en 2008, avec son premier film Hunger (1), Caméra d’or au Festival de Cannes. Ce n’est qu’ensuite qu’on a appris qu’il était un plasticien, lauréat du Turner Prize en 1999, exposant à la Tate de Londres, ainsi qu’au Stedelijk Museum d’Amsterdam, qui a acquis deux de ses œuvres. Après trois fictions très recompensées (2), devenu un cinéaste très reconnu, avec Occupied City, il s’attaque au documentaire. Son film est fondé sur l’ouvrage Atlas of an Occupied City de sa femme, la Néerlandaise Bianca Stigter, avec qui il vit à Amsterdam depuis 25 ans.


 


 

Il s’agit d’une immersion dans la ville au temps de l’occupation nazie et du relais pris par le NSB, le parti hollandais sous-traitant d’Hitler pour la chasse, la spoliation, la déportations des Juifs d’Amsterdam. La caméra survole les immeubles, zoome sur leurs habitations, une voix off relatant ce qu’on peut encore savoir des occupants, les sursis, les ruses, la résistance.


 


 

Par exemple, celui qui résidait là, marié à une non-juive, était initialement dispensé de déportation après stérilisation. Il était parti puis revenu, reconnu et dénoncé, il a été tué, la dénonciatrice condamnée après la guerre puis libérée. Ou tel repenti qui a jugé opportun de dénoncer un voisin pour avoir livré des trésors d’art aux nazis. Arrêté après la guerre, l’accusé a pu plaider qu’il avait livré des faux, exécutant lui-même des Rembrandt inimitables devant ses juges. 60 000 des 80 000 Juifs d’Amsterdam ont été assassinés. Chacun a existé, intensément. Mais la pierre demeure silencieuse, indifférente, et les passants sans mémoire.


 


 

Le réalisateur entrelarde ces images des manifs actuelles animées, bruyantes, sur la gestion de la pandémie ou l’alerte au réchauffement. Notre présent, notre devenir commun rentreront-ils aussi vite dans cet oubli silencieux ? Le film s’achève sur la perspective des rails d’un train, qui nous amène vers la brume.


 


 

Le documentaire dure plus de 4 heures. On y entre pas très sûr de rester jusqu’au bout, d’autant que la voix de la récitante, Melanie Hiam, égrénant les adresses des drames, plonge d’emblée le spectateur sur une fréquence grave et monotone. Mais non, tout le monde reste jusqu’au bout.

Sylvie L. Strobel
Jeune Cinéma n°423, été 2023

1. "Hunger, la faim irlandaise", Jeune Cinéma n°319-320, automne 2008.

2. Shame (2011) ; Twelve Years a Slave (2013) ; Les Veuves (2018).


Occupied City. Réal : Steve McQueen ; sc : Bianca Stigter d’après son ouvrage Atlas of an Occupied City (Amsterdam 1940-1945) publié en 2019 ; ph : Lennert Hillege ; mont : Xander Nijsten ; mu : Oliver Coates. Récitante : Melanie Hiam (Grande-Bretagne-Pays-Bas-États-Unis, 2023, 246 mn). Documentaire.



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