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Brame de la Licorne (le) (2023)
de Arnaud Romet
publié le mercredi 24 avril 2024

par Anita Lindskog
Jeune Cinéma en ligne directe

Sortie le mercredi 24 avril 2024


 


Le Brame de la Licorne est le premier long métrage de Arnaud Romet (1). Cette fiction oscille et alterne entre poésie fantastique et documentaire réaliste présentant le quotidien du personnage principal, Guillaume, artiste peintre, se débattant en pleine crise de la quarantaine. Deux personnages inquiétants de l’antiquité romaine surgissent soudain dans l’imaginaire et le présent de Guillaume, au point qu’il se retrouve emporté dans une fantasmagorie qui va bousculer sa vie et l’amener à se renouveler.


 


 

Guillaume réside tout près de Saint-Bertrand-de-Comminges, petite bourgade du Piémont pyrénéen. Il passe un cap difficile entre une séparation douloureuse, la garde de son fils Isidore, des problèmes financiers et une panne totale d’inspiration. Il apprend par des gens du pays qu’Hérodiade et Antipas, cités dans la Bible comme étant les assassins de Jean-Baptiste ont été exilés au Sud des Gaules et ont fini leurs vies à Saint-Bertrand. Une des multiples croyances du mythe sur Hérodiade, outre qu’elle symboliserait la fièvre, est qu’elle est morte dans un lac gelé (2). À l’époque, Saint Bertrand, appelée Lugdunum Convenarum, était une ville romaine très développée, assez luxueuse, avec des jeux, des thermes, un théâtre... Fasciné, Guillaume lit, se documente, bat la campagne alentours, fait des rencontres, et tissent des liens qui deviennent de plus en plus importants. Cette découverte du mythe le hante, l’obsède au point qu’il traverse des moments hallucinés et de transe. Il entreprend de passer de l’autre côté du miroir pour amener Hérodiade et Antipas vers un lac glacé…


 


 

Tout le film est construit sur le télescopage incessant entre deux univers : un quotidien réaliste et un monde fantastique. Les scènes de transition où Guillaume bascule vers ses visions laissant libre court à son imaginaire débridé et ses émotion, par exemple lorsqu’il marche au travers d’une campagne baignée d’une lumière étrange, sont accompagnées d’un travail plastique, sonore (le cinéaste est électroacousticien de formation) et d’effets spéciaux qui plongent directement la représentation vers le fantastique. Le montage multiplie et croise les registres.


 


 

Et c’est de façon théâtrale et presque bouffonne que les personnages d’Herodiade et Atipas sont représentés enfermés dans une petite prison un peu misérable, une sorte de grange en carton-pâte, avec un côté très irréel, comme dans un conte, et leurs irruptions à l’écran ne sont pas dénuées de comique. Ils sont inquiétants et très naïfs à la fois. Les transitions, les décalages sont constamment utilisés sur un mode d’opposition afin de valoriser la capacité d’imagination du personnage principal.


 


 

Le thème choisi se prête bien à une incursion dans le genre fantastique. Toutefois, la construction du film souffre de ce caractère binaire systématique dans lequel les deux univers s’opposent. En effet, le côté réaliste est finalement moins exploré, au point d’apparaître un peu lisse et manquant d’amplitude. Ce déséquilibre crée des moments qui parfois ne retiennent pas suffisamment l’attention du spectateur.


 


 

Quant au titre, il fait référence, toujours par opposition, au brame des cerfs en Comminges. Ce sont des brames plutôt austères, voire tristes et parfois effrayants. Personne ne connaît le chant de la Licorne, et pour cause, mais l’histoire de la région révèle que Saint-Bertrand, l’évêque qui a fait bâtir la cathédrale à Saint-Bertrand-de-Comminges, au Moyen-Âge, portait selon la légende, un bâton en corne de licorne. De quoi ajouter à la veine fantasmagorique du propos. Pourtant, c’est dans la vie réelle qu’il va trouver des solutions…

Anita Lindskog
Jeune Cinéma en ligne directe

* Ce film appartient au programme Découvertes du Saint-André des arts.

1. Après 4 courts métrages : Le Rubbant (2014), Dix fois rien ou les Dissipations matinales (2016), Courbe étrange (2018) et Les Apparitions (2019).

2. Stamatios Zochios, "La Souveraine du lac gelé. Variantes et altérations du mythe d’Hérodiade dans les croyances populaires européennes", Fééries n°16, 2020 : "Le conte, les mythes antiques, la Bible".


Le Brame de la Licorne. Réal, sc, mu, mont : Arnaud Romet ; ph : Léna Rojas. Int : Julien Charrier, Diane Launay, Roain Blanchard Délia Sartor, Philippe Dupeyron, Samule Mathieu, Orens Mallard, IKA (France, 2023, 83 mn).



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